Le projet de S. Royal ? Une compilation de travaux de chercheurs !

Publié le par Isabelle

Ségolène Royal a toujours traqué le désordre. Dans la Vérité d'une femme, paru en 1996, les chapitres s'appelaient : «Le désordre politique», «Le désordre du chômage», «Le désordre des territoires», etc.

Dix ans plus tard, elle récidive. Le «document de travail» que la présidente de Poitou-Charentes vient de mettre en ligne sur son site, Désirs d'avenir, s'appelle «Les désordres de l'emploi et du travail».

Un texte paradoxal, où le fourmillement d'exemples et de chiffres semble avoir pour principale fonction de masquer l'absence de lignes de force. Moins qu'un écrit politique, une synthèse des récents travaux de sociologie et d'économétrie.

Trouver des idées, c'est l'obsession des socialistes depuis la fin de l'ère Mitterrand.

Cela fait une quinzaine d'années que les intellectuels sont régulièrement invités à livrer leurs solutions miracles.

Ségolène Royal a beau vouloir faire de la politique autrement, elle est en train de buter sur le même os. A une différence près quand elle prend la plume : l'accumulation de citations des nouveaux intellectuels et essayistes en vogue. Sont cités pêle-mêle les sociologues Robert Castel, Louis Chauvel, François Dupuy et Philippe Eskenazy, le politologue Roland Cayrol, les anciens PDG Claude Bébéar et Jean Peyrelevade, l'ancien patron de la Banque mondiale Joseph Stiglitz ou encore l'économiste Jean-Luc Gréau.

Réaction de l'un d'entre eux : «Cette femme qui est censée être à l'écoute des gens et qui parle tout le temps de démocratie participative, on a l'impression, à la lire, qu'elle vit enfermée dans sa bibliothèque.»

Royal se réfère à plusieurs reprises à des auteurs publiés par la collection de la République des idées, le think tank créé en 2002 par Pierre Rosanvallon, le penseur de la «deuxième gauche», pour fonder une «nouvelle critique sociale».

En quatre ans, la collection a permis d'attirer l'attention sur plusieurs formes de souffrances sociales jusque-là peu ou mal étudiées (précarité, déprime des cadres, fabrication de ghettos, etc.). La classe politique n'a pas tardé à se jeter dessus. A l'Assemblée, il y a quelques mois, le gouvernement et le PS s'écharpaient sur les leçons à tirer du livre de Philippe Eskenazy, les Désordres du travail, sur la dégradation de conditions de travail des salariés.

Etre repris par une prétendante à l'Elysée est donc dans la logique des choses. «Nos travaux sont faits pour servir à la réflexion des responsables politiques de tous bords», indique Thierry Pech, le secrétaire général de la République des idées.

Mais la particularité du texte de Royal, c'est que les références finissent par envahir et recouvrir le propos politique. «D'après ce que j'en ai lu, je reste un peu sur ma faim», remarque Philippe Ezkenazy, qui déplore le côté un peu «paraphrase» de la prose de Royal.

Il en sait quelque chose : le passage sur les 35 heures qui a tant fait hurler au PS s'appuie principalement sur ses travaux. Ce qui réduit la mesure phare des années Jospin à son impact sur les conditions de travail, à l'exclusion de toutes ses autres dimensions, notamment ses effets sur l'emploi.

Cité lui aussi, Louis Chauvel ne cache pas son scepticisme : «Ce n'est pas un bon départ. C'est une superposition de travaux récents, connus, mais sans articulation, dans la ligne des moeurs d'une caste qui est la sienne, où le copier-coller tient lieu de réflexion. Tout le contraire du travail constructif que Mitterrand avait su mener.»

Le prochain texte de Ségolène Royal sera consacré aux désordres de l'autorité et le suivant sur la nation. C'est en fonction des réactions des internautes qu'elle arrêtera la version définitive et avancera ses propositions.

Publié dans Politique

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