Interview de Vincent DELERM
‘Piqûres d’araignées’, troisième album du dandy Delerm est déjà dans les bacs. Plus pop, plus engagé, le nouvel opus laisse tomber le piano solo pour une formation musicale aérienne et mate. Rendez-vous sur scène à partir de fin octobre pour découvrir la métamorphose...
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On doit toujours vous poser les mêmes questions. Que pourrait-on vous demander de nouveau ?
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Vous préférez l’exercice télévisuel ou les interviews plus intimes comme maintenant ?
Ca n’a juste rien à voir… Ne pas être filmé change tout. Tu ressens moins le besoin de séduire donc tu es moins dans le sourire. C’est un truc con, mais moi, j’ai longtemps géré les télés comme les interviews papier. Je n’étais pas forcément antipathique juste mal réveillé. Après je recevais du courrier dans lequel on m’accusait de m’ennuyer. Les interviews comme celle-ci, ici et maintenant, sont plus proches de ce que je suis réellement. La télé, c’est vraiment un monde à part. La seule chose qui compte, c’est d’être souriant et d’avoir l’air en forme ! Tu dis trois conneries en souriant et tout le monde te dit que tu avais l’air très en forme. Tu dis quatre trucs hyper-importants pour toi avec un air sérieux et l’on te trouve triste. Au moment de mon second disque, j’ai voulu faire profil bas : ne pas mettre ma gueule sur la pochette, refuser plein d’émissions pour ne pas occuper trop d’espace. Finalement, je me suis ramassé dix fois plus de reproches. On m’a trouvé arrogant et snob. “Il croit qu’il est suffisamment connu pour pas mettre sa gueule !” Du coup, aujourd’hui, j’ai mis ma tête et je fais les télés.
Et l’expérience est concluante...
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Pour en revenir aux ‘Piqûres d’araignées’, il était nécessaire de vous exiler pour l’enregistrer ?
Ah... Pourquoi la Suède (rires) ! Tout est venu d’un mec et de son disque. Celui de Peter Von Poelh. Il y avait une atmosphère très particulière, difficile à mettre en mots. Je savais qu’il vivait en partie en France et qu’il était possible de le contacter. Chose que je pressentais, il ne connaissait pas du tout mon travail. Moi, je voulais laisser tomber le piano solo pour plus de guitare. Je lui ai fait écouter mes chansons. Il m’a dit : “A mon avis , il faut faire un album piano-voix.” Je me suis dit “Merde, on est mal partis !” On est partis en Suède, là où lui-même avait enregistré son disque. On a bossé avec le même ingénieur du son et les mêmes musiciens. Au final, on a pas mal de piano comme noyau de l’album et une même communauté de sons.
Comment définissez-vous ce son ?
Quand on écoute les albums de Peter, le son est très mat : une batterie qui sonne comme un jeu d’enfant, quelque chose de très dépouillé avec beaucoup d’espace. C’est le genre de musique que l’on peut écouter fort sans pour autant avoir l’impression que c’est fort. Il y avait l’envie de faire quelque chose de beaucoup plus aéré que dans les précédents albums sur lesquels j’avais voulu des arrangements plus denses. Notamment, pour le second où, dès qu’il y avait un petit trou, on ajoutait une note !
Cela implique des changements sur scène. Fini le piano solo ?
Eh oui… on a fait un enterrement ! On a commencé la scène jeudi dernier. Il reste quelques moments où je suis tout seul au piano mais je ne joue plus trop là-dessus. Nous sommes six sur scène.
Fini vos mimiques et autres jeux de scène ?
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Des deux premiers albums ressortait un sentiment de nostalgie doux-amer, là on sent beaucoup plus de tristesse...
‘Deauville sans Trintignant’, ‘L’Heure du thé’ ne sont pas des chansons qui parlent du passé. Ce sont des chansons au présent. C’est clair qu’il y a l’allusion à un vieux film, à Truffaut, Trintignant, Fanny Ardant... Tout ça participe à une forme de nostalgie mais dans l’écriture, j’étais au présent. Après, il y avait des exercices différents comme ‘Les Filles de 73’. Dans cette chanson, je me souviens de mes 15 ans. Tout cela est plus doux qu’amer. Il n’y a pas une envie de revivre tout cela : genre refaire ma rentrée de CM2 avec mon Tan’s. Non. C’est l’idée d’intégrer le passé dans le présent et de dire qu’on est construit par cela. C’est ce qu’évoque ‘Natation synchronisée’ : on est passé par les mêmes choses pour en arriver là. C’est vrai que sur le nouvel album il est davantage question du temps qui passe : ‘Naples’, c’est l’idée de retenir du passé des choses qui ne paraissent pas forcément les plus importantes, les plus lyriques. Je n’aime pas qu’on parle de minimalisme... C’est juste la vie qui est comme ça et qui retient des éléments qui n’ont pas forcément l’air d’être les plus importants.
Votre second album semblait très “familial”. Cette expérience d’enregistrement semble plus pro, non ?
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Que répondez-vous aux critiques qui vous accusent d’être un chanteur pour bobos parisiano-parisianiste avec des paroles Ikea ?
Paroles Ikea… Dites-moi ce que ça veut dire. Ce n’est pas à moi de répondre à ça. Quand bien même il n’y aurait que des bobos dans mon public et que je ne vendrais pas un seul disque hors Paris, je ne vois pas où serait le problème. Ce n’est pas le cas, mais admettant que ça le soit, on ne va pas en prison pour ça. C’est vraiment un délit de sale gueule.
On pense à Charlie Hebdo, aux rencontres avec Stéphane Guillon... Ca n’est pas usant à force ?
Non. Je ne lis jamais Charlie Hebdo. C’est comme ‘Groland’... J’ai lu des commentaires durs sur moi mais pas ceux-là. Donc on m’en parle. Je passe visiblement beaucoup moins de temps avec eux, qu’eux avec moi. Ils ont besoin d’avoir des trucs à dire. Mais pour répondre plus globalement... ça fait vraiment partie du jeu. Le plus important est d’être soutenu par certains médias, de savoir que dès le premier album, les concerts étaient pleins. Et puis, j’ai pas mal de témoignages de gens qui ont entendu ces critiques et ont été intrigués. Ils ont donc voulu écouter ce que je faisais pour se faire leur propre idée. Au final, l’effet est inverse et me donne la possibilité d’exister davantage.
Votre album sort à quelques mois des élections. Vincent Delerm ne s’affiche pas aux côtés de politiques ?
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Pour finir, si vous ne deviez conserver qu’une seule de vos chansons...
‘Chatenay-Malabry’… que je ne fais même pas en concert.