J'lui tire le portrait !

Publié le par Isabelle

Je vous propose une chronique hebdomadaire en forme de portrait sur des hommes et des femmes que j'apprécie particulièrement.
Mon premier portrait, qui se composera de deux parutions, débute aujourdh'ui par un artiste peu banal :Bernard LAVILLIERS.
Il nous invite au voyage... alors, c'est parti : suivons le de Belem jusque St malo !


Lavilliers est un individu totalement à part dans la chanson française. Issu d'un milieu populaire - son père était ouvrier - très fortement marqué par la Résistance et l'antinazisme, il décide très vite de fuir son univers et part pour le Brésil. Là, il découvre la misère, les trafics, se familiarise avec les armes et diverses marginalités. Et surtout, il découvre la musique brésilienne.

A son retour en France, il est emprisonné - il a oublié de faire son service militaire ! - et décide qu'il sera voyou. Mais il joue également de la guitare et régale ses copains de chansons rebelles empruntées à Aristide Bruand, Gaston Couté, Boris Vian, Brassens et surtout Léo Ferré. Petit voyou et monte en l'air le jour, il commence à chanter devant un public qui devient inconditionnel et fidèle.


Comme toujours dans ce type de parcours, ce sont les rencontres qui vont permettre à Lavilliers d'entrer dans le métier, d'enregistrer des disques et de finir par connaître le succès. On peut dire que Lavilliers est devenu chanteur par hasard. Et qu'il occupe dans la chanson française une place tout à fait à part. Auteur compositeur interprète , il affirme volontiers ses origines ouvrières et ses engagements ses textes sont violents et tendres, ses musiques fortement marquées par les rencontres faites au cours de ses voyages.
Mais Lavilliers ne se contente pas de s'indigner. Il entend également témoigner. Voilà pourquoi il passe le plus clair de son temps hors de France à rencontrer des peuples différents. Depuis qu'il connaît la notoriété, dans un répertoire tout à fait singulier, la carrière de Lavilliers ne connaît que des hauts, grâce à un public fidèle qui se renouvelle néanmoins à chaque disque, séduisant une jeunesse attentive au romantisme des rebelles.

L'île de la Tortue vogue au fond de l'Univers, un bar du vieux Saint-Malo. Sur le tableau accroché au mur, l'imagination délurée d'un peintre malouin du début du siècle l'a peuplée de Frères de la côte faisant ripaille en enlaçant des bouteilles de rhum et des mulâtresses dépoitraillées. Braqué sur la toile, un projecteur enfièvre les regards des pirates et fait luire leurs sourires tranchants comme des sabres d'abordage. La peinture est kitsch à souhait et fascine Bernard Lavilliers. Comme si les flibustiers rêvés par le peintre étaient les ancêtres de ceux qui traversent ses chansons. «J'aurais voulu vivre à cette époque mais qu'est-ce qu'elle était rude!», reconnaît-il. Et comme pour montrer qu'il est bien l'héritier de ces hommes d'honneur que furent les corsaires, il lâche un bon mot de Surcouf. Si bien qu'à l'heure un peu hésitante où la lumière bleue de la baie se rend à la grisaille du soir et se montre propice aux fantasmagories, tandis que les verres commencent à se rassembler sur les tables, on s'attend presque à voir débarquer le petit peuple des gentilshommes de fortune, des capitaines fous, des marins largués promis par ses chansons.

Regard bleu aventure et anneau d'oreille à la Corto Maltese, blouson élimé et carrure d'écumeur, la cinquantaine en forme avec tout de même les abdos qui font un peu relâche, Papy-musique, comme l'appelle sa petite-fille, est ici au cœur de sa mythologie.
Saint-Malo est son port: peut-être parce qu'elle fut la capitale des corsaires. Le bar-hôtel de l'Univers est son repaire: on le retrouve dans ses chansons et il y loue une chambre à l'année.«Ce bar a une histoire avec moi», résume-t-il. Dans l'imagerie du chanteur, les bars ont une fonction précise. Endroits magiques où la confidence se noue, où elle franchit le cap délicat de la pudeur, ils doivent être obscurs «pour qu'on puisse s'y dire des choses entre mecs».«Pour qu'un mec arrive à sortir un truc comme "Ne me secouez pas, je suis plein de larmes", il faut un bar sombre. Et si on ne peut pas s'y parler entre hommes, ce n'est pas un bar», dit-il. Renchérissant dans le rôle d'un Rambo cherchant à se glisser dans la peau des noirs héros d'un film de Melville, il poursuit: «Les mecs les plus aventureux sont les plus pudiques. Les mecs de ma race à moi mettent beaucoup de temps à parler d'eux-mêmes. Et ils ne parlent pas pour recevoir des conseils car un homme qui se respecte n'a besoin de personne pour régler ses problèmes. Je vais encore passer pour un macho en disant ça ... mais c'est faux; d'ailleurs, j'ai toujours eu des féministes comme femmes.»



Publié dans Musique

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I
Jolis souvenirs ... pour ma part, je n'ai "que" des souvenirs de scène : Olympia, Grand Rex ..<br /> Bel artiste ... maintenant, l'homme, c'est une autre histoire que je n'ai pas envie de découvrir .<br />
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T
pour avoir rencontré personnellement ce phénomène, je te confirme : C'EST UN MONUMENT !!!<br /> je rajouterai ceci "quand il te serre la main , crois moi tu t'en souviens !"
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