L'envolée des prix du beurre fait trembler les biscuitiers

Publié le par Isabelle

Les biscuitiers sont très inquiets. Lors de l'assemblée générale de leur syndicat, fin mai, ils ont tiré la sonnette d'alarme au sujet de la hausse de 40 % des prix du beurre industriel, un produit différent de celui commercialisé en plaquettes. Le kilo est à 4 euros, un prix jugé insupportable alors que la fabrication des galettes bretonnes nécessite 18 % de beurre, ou celle d'un quatre-quarts, par définition, 25 %. Depuis, chaque entreprise tente de négocier en amont, avec les fabricants de beurre, et en aval, avec la grande distribution, pour répartir l'impact d'une telle hausse et éviter de trop rogner ses marges. Même les cours du beurre en vrac ont augmenté en Europe de 13 % sur un an, et de 9 % depuis janvier, à 2 770 euros la tonne.

 

"Dans cette situation, chacun adapte son prix de vente", explique Luc Morelon, porte-parole du groupe Lactalis, fournisseur de beurre, qui devrait quant à lui être touché par une augmentation des prix du lait prévue début juillet.

"Les produits laitiers résultent des cours mondiaux, personne ne cherche à asphyxier l'autre", explique Benoît Mangenot, le directeur du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière. Pour l'instant, les hausses épargnent le consommateur, mais pour combien de temps ?

Cette hausse s'explique par divers facteurs. Tout d'abord, le marché : alors que la demande mondiale progresse rapidement, notamment en Asie, la production de lait est en baisse en Europe, mais aussi en Australie, pour cause de sécheresse, et enfin plafonne en Nouvelle-Zélande après des années de hausse continue.

Les cours de la viande, élevés, ont aussi incité les producteurs laitiers à envoyer leur cheptel à l'abattoir. En outre, en Europe, les producteurs sont poussés depuis plusieurs années à cesser leur activité. Ils étaient moins de 100 000 il y a deux ans en France et 90 000 en 2007.

UN EXEMPLE PARMI D'AUTRES

La situation est d'autant plus tendue que les stocks européens, autrefois légendaires (avec un record à 1,28 million de tonnes en 1986, au moment de l'introduction des quotas laitiers), ont disparu. En un an, ils sont revenus de 98 000 à 16 000 tonnes, la Commission profitant de la demande mondiale et des cours élevés pour les écouler, se lamentent les biscuitiers. Bruxelles a annoncé, fin mars, la vente des dernières tonnes, et une décision sera prise en 2008 sur leur abandon.

S'ajoute à ce contexte un élément encore plus déterminant : la suppression, depuis le 1er mai, après plusieurs années de diminution, des aides européennes à l'incorporation de beurres pâtissiers et industriels, qui ébranle les fabricants de beurre comme leurs clients. Ce mécanisme, conçu il y a trente-cinq ans, permettait d'écouler à bas prix les surplus. Les aides étaient touchées directement par les fabricants, qui, forcément aujourd'hui, répercutent cette disparition.

Toutes ces évolutions vont dans le sens de la réforme de la politique agricole commune (PAC) de 2003, censée recréer le lien entre production et marché. Elle touche, de fait, non seulement les agriculteurs, mais aussi l'industrie agroalimentaire. "Avec l'instauration des aides européennes, tout un ensemble de petites entreprises de l'Ouest se sont spécialisées dans les produits au beurre. De là remonte aussi la création des scottish butter cookies et des danish butter cookies", rappelle Jean-Loup Allain, le secrétaire général du Syndicat des biscuitiers.

Ces PME auront bien du mal à s'adapter à cette hausse de 40 % d'une de leurs principales matières premières. "Entre biscuitiers bretons, nous essayons de nous regrouper pour rencontrer les centrales d'achat", explique Yvon Lenevez, le président d'Armor Délices (35 salariés), à Guingamp (Côtes-d'Armor), qui tente également une négociation avec son fournisseur de beurre. "En plus, il serait impossible de remplacer le beurre par de la matière grasse végétale, vu que l'huile de palme a pris 46 % sur un an et celle à base de soja 24 %", ajoute le fabricant de madeleines et sablés bretons.

Car la hausse du prix du beurre n'est qu'un exemple parmi d'autres. Aujourd'hui, c'est l'ensemble des matières premières qui grimpe (+ 40 % pour le blé, + 30 % pour les oeufs, etc.). Outre les biscuitiers, c'est l'ensemble de l'industrie agroalimentaire qui s'inquiète.

Publié dans Consommation

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