Balade dans le jardin du musée Rodin à PARIS

Publié le par Isabelle


A l’angle du boulevard des Invalides et de la rue de Varennes se cache un havre de verdure parsemé de bronzes et de marbres : le jardin du musée Rodin. Balade dans ce lieu envoûtant, témoin des vicissitudes de l’histoire et des hommes, entre esthétisme et poésie.


On y rencontre des amoureux se tenant la main sous la pénombre des tilleuls aux feuilles en forme de coeur, la petite famille subjuguée par le malheureux ‘Ugolin dévorant ses enfants’, des touristes à l’appareil photo en alerte, un vieil homme entre douceur et amertume, un étudiant en art fasciné par le volume des ‘Trois Ombres’…
On profite également de la ronde discrète des gardiens, de l’attention minutieuse des jardiniers, de la multitude des arbres et plantes, des fontaines, des mythes objectivés dans la matière… L’ensemble de ce spectacle se jouant sous le regard amusé des sculptures de marbres et de bronzes, de Balzac à Victor Hugo en passant par l’incontournable ‘Penseur’ condamné à s’interroger indéfiniment dans sa sublime prison de ifs. Tel est le cadre du jardin du musée Rodin où règne cette atmosphère apaisée loin des vacarmes parisiens. Petite balade verdoyante.


De la majesté à la solitude

Le musée Rodin est composé de l’hôtel Biron et de l’ensemble du jardin qui l’entoure. Ensemble, ils ont vécu au rythme des guerres, des rachats, des abandons et des modes. Et ce pauvre morceau de verdure a subi dans sa chair, faite de terre fertile, d’eau et de cailloux, l’ensemble de ces bouleversements. Dorénavant, plus rien ne peut l’étonner. Ni les visiteurs qui s’y promènent ni le dessein des éventuels propriétaires. Aujourd’hui chouchouté comme un patrimoine fragile et précieux, il n’en a pas toujours été ainsi. Entre sa création par le riche financier Peyrenc de Moras et son sauvetage par Auguste Rodin, le jardin a vu passer des amants, des princesses comme la belle-fille de Louis XIV (la duchesse du Maine), des révolutionnaires en 1789, des religieuses de la congrégation du Sacré-Coeur jusqu’à sa fréquentation par une myriade d’artistes.
Altéré par le délaissement, les nécessités froides de la nature et l’absence d’une main aimante, il s’est transformé en un terrain où règne l’anarchie moribonde d’un trop plein de végétation composé d’herbes capricieuses et de lierres étouffants. Jusqu’au recours d’un bataillon d’artistes opiniâtres, Rodin en tête, grâce à qui le musée ouvrira ses portes en 1919.


Un lieu de poésie et d’échanges artistiques

Si le visiteur est subjugué dès son arrivée dans le jardin, c’est qu’il devine les effluves passées des conversations et des amitiés artistiques. L’âme du poète Rainer-Maria Rilke continue de vaciller avec mélancolie entre les genêts et le lilas. Lui qui a révélé l’existence de cet îlot magique au maître Rodin, lequel est bientôt débordé de courir entre Meudon et ce lieu qui l’a irréversiblement envoûté. Tendez l’oreille et vous devinerez les chuchotements de Matisse et les égarements de Cocteau. Car, après la période sainte du couvent et de l’école religieuse sous Napoléon et Louis XVIII, l’hôtel et le jardin sont devenus une demeure aux loyers modestes, pour artistes et écrivains. Il aura fallu l’acte audacieux d’un Edouard de Max - il fait installer une baignoire dans l’ancienne chapelle - pour voir les locataires expulsés et l’état contrarié.
Esthétique de la répétition, aujourd’hui on pourra croiser John de New York s’exerçant à l’aquarelle dans un lieu “démunis de l’intensité sérieuse des autres musées”. Ou Emma et Jacqueline, resplendissantes octogénaires, partageant “les faveurs d’un endroit apaisé et isolé en plein Paris”.


De la forme au débordement esthétique

Le jardin est de forme rectangulaire. De la terrasse on perçoit un tapis de pelouse aux lignes parfaites qui commence au bas de l’escalier de l’hôtel et se termine par une fontaine. Deux sous-bois à chaque extrémité abritent les bronzes de Rodin, dont les énigmatiques ‘Trois Ombres’ et les malheureux ‘Bourgeois de Calais’. L’entrée du jardin au nord accueil ‘Le Penseur’ et ‘Balzac’ probablement intrigués par la colossale ‘Porte de l’Enfer’. Semblable à cette oeuvre, on appréciera le jardin pour son architecture épurée et la subtilité de ses détails. La tête levée, on aperçoit le dôme des Invalides scintillant de feuilles d’or sous la lumière du soleil et une partie de la tour Eiffel inapte à investir le lieu.
On ne comptera pas les variétés infinies de plantes aux noms si évocateurs – oeillet, capucine, tulipe, genêt, anémone, bambou, iris, etc. - d’arbres veillant comme de vieux gardiens sur leur bien – érable, houx, bouleau, noisetier, merisier, etc. - qui suggèrent à tous les saisons cette esthétique si évidente, si intense.


Une exposition en plein air

Le jardin se fait aussi musée. Un musée atypique à ciel ouvert. Il est toujours délicieux de découvrir, ‘Eve’ et ’Adam’ cachés derrière un épais buisson, ‘Orphée implorant les dieux’ comme jaillissant de la fontaine, un ‘Victor Hugo’ songeur protégé par l’ombre d’un grand arbre ou la galerie des marbres esseulée à l’est des sous-bois. Un ensemble de sculptures complètement intégré à l’espace et à la matière qui retrouve une certaine authenticité loin de l’artifice muséographique. Et ces corps dénudés ne perdent en rien leur forme. Bien au contraire, confrontés à cette nature accommodée aux volontés humaines, ils se dévoilent langoureusement sous le charme de la sacralité artistique et d’une sémantique équivoque. Histoire de l’art avec les oeuvres de Rodin, histoire du mythe et surtout “histoire de l’oeil” (pour reprendre le terme de Kerchach) rendues possibles par une proximité physique et spontanée dépourvue des convenances pompeuses.

Décor de fleurs et matériaux figés, le jardin du musée Rodin jouit d’une espèce d’extraterritorialité dans la société parisienne. Car loin de se satisfaire de son esthétique, le jardin promet culture, apaisement et romantisme. Il satisfera quiconque désir connaître un Paris différent préservé des bruits et de odeurs urbaines. De plus, cette balade promet les avantages du contexte culturel sans les désagréments du musée (l’austérité et l’esprit de sérieux).
Il est également vivement conseillé de concrétiser le plaisir par une exquise tarte aux fraises dégustée aux tables du café Le Jardin de Varennes.

Publié dans Culture

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Musée magnifique a visiter en extérieur comme en intérieur.<br /> Sans omettre le spéciale dédicasse au fameux "baisers" de Rodin, dont on peut admirer de nombreuses représentation et ébauche au cours de la visite du musée intérieur..
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